Trsors et biens des temples.
Rflexions partir de cas des Gaules :
Neuvy, Champoulet, Cobannus (duens)
Monique Dondin-Payre et Annemarie Kaufmann-Heinimann
Le lundi 27 mai 1861, Neuvy-en-Sullias, dans le Loiret, 32 km au sud-ouest
d’Orlans, des ouvriers mirent au jour par hasard dans une carrire de sable
environ 70 objets ou fragments d’objets antiques en bronze ; un jour
indtermin de 1933, Champoulet, une soixantaine de km l’est de Neuvy,
des terrassiers trouvrent par aventure, en creusant un canal, de « nombreuses
statuettes et des vases de bronze gallo-romains ». Le premier ensemble est
aujourd’hui communment dsign comme « trsor de Neuvy », le second
comme « dp t » ou « cachette » de Champoulet.
Pourquoi aucune de ces expressions ne fait-elle rfrence la nature
religieuse incontestable des deux ensembles ? Peut-on cerner plus prcisment
les intentions qui ont prsid leur constitution ? En somme que peuvent-ils
apporter la connaissance des biens des temples ?
Cette circonstance remarquable – la dcouverte, quelques kilomtres de
distance l’un de l’autre, de deux ensembles d’objets rassembls volontairement –
qui n’est qu’un hasard, permet d’examiner les lments susceptibles de fournir
des rponses ces interrogations en liminant les variables gographiques1. On
nourrira la rflexion avec d’autres exemples, particulirement avec celui d’un
groupe d’objets, dsign comme « cachette des Cobanni » 2. Tous les ensembles
seront dsigns comme « dp ts », pour rester neutre quant leur nature, leur
destination et leur valeur.
1
2
Champoulet se trouve probablement la limite occidentale de la cit snone, B. Debatty,
« Les limites de la cit gallo-romaine des Snons. Perception et ralit », Hypothses 2004.
Travaux de l’cole doctorale d’histoire de l’universit Paris I – Panthon-Sorbonne, 2005, p.
86 ; 90 – 92.
Nous reprenons ici une appellation ancienne mais inapproprie puisqu’elle donne
l’impression qu’il y a plusieurs Cobannus ; voir n. 8.
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Tableau 1 : Composition compare des objets connus des dp ts de Champoulet, Neuvy
et de Cobannus (duens)
Nature de l’objet
Ddicace
Lieu
Date
propose3
Particularits
Reprsentations associes au monde divin
statuette de
Mercure
socle inscrit Champoulet fin IIe–dbut grande taille (50 cm)
AE 1980,
finance par collecte
IIIe s.
641
statuette de
Rosmerta
socle inscrit Champoulet fin IIe–dbut
AE 1980,
IIIe s.
643
statuette d’Epona
cheval
sans ?
socle
disparu
Champoulet fin IIe–dbut
IIIe s.
socle de statuette
d’Apollon
AE 1980,
644
Champoulet fin IIe–dbut grande longueur du
socle
IIIe s.
statuette
d’Esculape
sans ?
socle
disparu
Neuvy-enSullias
Ier s.
importation de
Mditerrane
orientale ?
Hercule enfant
sans
Neuvy-enSullias
Ier–IIe s.
fabrication locale
support de meuble
rutilis
statuette de Mars
sans ?
socle
disparu
Neuvy-enSullias
Ier–IIe s.
fabrication locale
statuette de
Cobannus (1)
(Getty)
socle inscrit duens ;
AE 1999,
Cobannus
1173 –
1174 ;
2002, 906
milieu IIe s.
grande taille (76 cm)
casque militaire
romain
3
Les datations sont toujours dlicates tablir. Le plus souvent il faut recourir des
critres de style, avec toutes les incertitudes qui en dcoulent (voir, p. ex. Baratte 1999 ;
Kaufmann-Heinimann 2007b, n. 50). Les diffrentes techniques de fabrication
(martelage – coule) ne donnent des indices que pour la priode de transition entre le
gaulois et le romain ; trs rarement une inscription fournit la date exacte, ainsi pour une
statuette de Victoire en argent provenant de Tunshill (Lancashire, GB), dont ne survivent
qu’un bras et la plaquette votive (Painter 2005). Compte tenu de toutes ces incertitudes,
les dates proposes sont des orientations, non des affirmations.
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Tableau 1 : Composition compare des objets connus des dp ts de Champoulet, Neuvy
et de Cobannus (duens) (suite)
statuette de
Cobannus (2)
(White-Levy)
AE 2000,
1845 ;
2002, 906
duens ;
Cobannus
IIe s. ?
grande taille (52 cm)
reprend le type de
Mars juvnile
inscription sur le
socle ; douteuse
statuette de
Cobannus (3)
(White-Levy)
AE 2000,
1846 ;
2002, 906
duens ;
Cobannus
dbut Ier s. ?
inscription sur le
bouclier ; douteuse
Reprsentations indtermines ou humaines
13 statuettes
anthropomorphes
sans
Neuvy-enSullias
fin
peut-Þtre effigies
indpendance divines
–dbut Ier s. fabrication galloromaine
deux bustes
masculins
(Getty)
sans
duens ;
Cobannus
2e moiti Ier s. fabrication galloromaine
Reprsentations animales
taureau
ignor
Champoulet fin IIe–dbut fabrication galloromaine
IIIe s. ?
cheval
CIL, XIII,
3071
Neuvy-enSullias
dbut Ier s.
cerf
sans ?
socle
disparu
Neuvy-enSullias
fin
fabrication galloindpendance romaine
–dbut Ier s.
taureau
sans ?
socle
disparu
Neuvy-enSullias
Ier–IIe s.
bovid
sans
Neuvy-enSullias
fin
grande taille (34 x
indpendance 47 cm)
–dbut Ier s. fabrication galloromaine
cerf
(White-Levy)
sans
duens ;
Cobannus
fabrication gallofin
indpendance romaine
–dbut Ier s.
statuettes animales sans
duens ;
Cobannus
inconnu
grande taille (1 m de
haut)
fabrication galloromaine
fabrication galloromaine
inconnu
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Tableau 1 : Composition compare des objets connus des dp ts de Champoulet, Neuvy
et de Cobannus (duens) (suite)
grand sanglier
sans
Neuvy-enSullias
grande taille (80 x
fin
indpendance 125 cm)
–dbut Ier s. fabrication galloromaine
3 sangliers
ou parties de –
sans
Neuvy-enSullias
fin
fabrication galloindpendance romaine
–dbut Ier s.
Objets cultuels ou utilitaires
patre
AE 1980,
642
Champoulet fin IIe–dbut inscription au centre
IIIe s.
patre
sans
Champoulet fin IIe–dbut
IIIe s.
3 patres
sans
Neuvy-enSullias
Ier-IIe s. ?
situle
(White-Levy)
AE 2000,
1847 ;
2002, 906
duens ;
Cobannus
fin Ier–IIe s.
cruche ovo de
sans
Champoulet fin IIe–dbut
IIIe s.
tronc offrandes
(Getty)
sans
duens ;
Cobannus
Ier–IIe s.
en forme de
monument funraire ;
tait surmont d’une
statuette
trompe
inscription
non
dchiffre
Neuvy-enSullias
Ier–IIe s.
instrument cultuel
(plut t que militaire)
inscription sur le col
Ses circonstances de dcouverte tant peu claires, la composition originelle du
dp t de Champoulet reste inconnue4 ; le Muse des Antiquits nationales de
Saint Germain a acquis 8 lments : les effigies de trois divinits, Mercure,
Rosmerta et Epona, le moulage de pl tre d’un petit taureau, un socle isol, une
patre inscrite et deux pices de vaisselle (fig. 1). Le Mercure, d’une hauteur
remarquable (50 cm), est travaill trs soigneusement, en fonte creuse et avec des
additions en cuivre (mamelons et pupilles). Il a perdu son ptase ainsi que ses
attributs, la bourse et le caduce. Le got ornemental se manifeste dans les
boucles des cheveux, la petite bouche et le regard fixe des grands yeux. Le
4
Ce dp t a t trs tudi ; pour une mise au point rcente, l’iconographie et la
bibliographie, Kaufmann-Heinimann 2007a, p. 205 – 207 et 221 – 223, notice 35.
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model assez lourd du corps combin avec une certaine raideur plaide en faveur
d’une datation des dcennies autour de 200 ap. J.-C., ce que ne contredit pas le
formulaire pigraphique qui figure sur un haut socle inscrit. Le mÞme type de
socle, inscrit lui aussi, est utilis comme support de la statuette de Rosmerta,
divinit de l’abondance qui se manifeste trs souvent comme pardre de
Mercure. Ici, elle appara t comme une cration totalement indpendante, ne
serait-ce que par sa taille nettement infrieure (24 cm). VÞtue d’un chiton et
d’un manteau, elle est coiffe d’un diadme ; elle prsente une patre de la main
droite et de la gauche peut-Þtre une bourse. Modele habilement partir de
moules, elle pourrait dater, elle aussi, de la fin du IIe s. ou du dbut du IIIe s. Par
rapport ces deux statuettes, celle de la desse Epona se caractrise par un style
plut t na f : attitude fige, robe simple aux plis traduits par de courtes incisions
en zigzag. De la main droite elle tend une patre, sa main gauche tenait les rÞnes
du cheval ou une corne d’abondance. Le rendu du cheval privilgie aussi les
grandes formes lisses, sans trop de souci du dtail. Les modles en cire en ont,
sans doute, comme pour le petit taureau, t raliss main leve. Trs
probablement Epona et son cheval taient monts sur un socle, sans doute
inscrit. l’inverse, pour la dernire figure, le socle est conserv mais pas la
statuette, dont la reconstitution pose certains problmes, car la longueur
exceptionnelle du socle oriente plut t vers un groupe alors que le texte ne
mentionne qu’Apollon : peut-Þtre s’agit-il de l’utilisation secondaire d’un socle
qui, l’origine, n’tait pas inscrit5 ? Trois pices de vaisselle appartiennent au
dp t : deux patres ordinaires, dont l’une est inscrite, et une cruche panse
ovo de laquelle semble appartenir une anse dcore excute sparment ; ce
type de cruche a t fabriqu en Gaules et en Germanies au IIe et au IIIe s. Le
rendu des statuettes, de leurs visages surtout, rvle, malgr les diffrences de
qualit, une certaine parent stylistique tandis que la graphie des inscriptions
tmoigne de quatre mains diffrentes. Ce n’est pas gÞnant puisque ceux qui
confectionnaient les statuettes n’taient pas ncessairement les mÞmes que ceux
qui crivaient les inscriptions : autour des sanctuaires antiques des boutiques
proposaient des stocks d’offrandes prÞtes Þtre achetes par les fidles,
ventuellement Þtre personnalises. Le Mercure prsente la particularit d’avoir
t confectionn la suite d’une commande collective ; sans doute est-ce la
raison pour laquelle il dpasse la taille moyenne de la plupart des statuettes
votives. Il n’est cependant pas exclu que les mÞmes artisans soient l’origine de
toutes ces ralisations, auquel cas il pourrait s’agit de commandes cibles et non
d’objets en stock, ou d’un mlange des deux types de fabrication, en srie et
l’unit.
5
Kaufmann-Heinimann surtout 2007a, p. 223.
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Fig. 1. Dp t de Champoulet (Loiret). H. de la plus grande statuette 50 cm.
Clich Muse d’Archologie nationale, Saint-Germain-en-Laye (L. Hamon).
Dans le dp t de Neuvy, l’inverse de celui de Champoulet, les statuettes
anthropomorphes sont minoritaires par rapport aux figures animales6 (fig. 2).
La pice ma tresse, la plus grande, est le cheval haut de plus d’1 m, un chefd’œuvre de l’art du bronze, fonte la cire perdue fabrique en plusieurs tapes et
coule. L’talon robuste est reprsent en posture martiale, l’antrieur gauche
lev. La bride renvoie sa fonction de monture ; pourtant, aucune trace de
cavalier n’est conserve. Du point de vue stylistique, ce cheval incarne un
prototype d’art gallo-romain au sens propre : le rendu de l’anatomie et du
mouvement est nourri d’une ma trise approfondie de l’art classique grcoromain tandis que les proportions un peu lourdes et le got pour l’ornementation renvoient l’art gaulois. Les quatre anneaux fixs dans les coins
permettaient son transport au moyen de barres disposes en long, par exemple
pendant les processions. Deux tapes successives d’emplacement de ces anneaux
plaident en faveur d’une priode assez longue d’utilisation. Le c t court du
socle, l’avant, porte une inscription.
Parmi les cinq autres animaux, un cerf en bronze tmoigne d’une mÞme
synthse stylistique que le cheval, avec un penchant un peu plus marqu vers
6
Pour tout ce qui concerne Neuvy, voir la dernire publication, Cheval.
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Fig. 2. Dp t de Neuvy-en-Sullias (Loiret).
D’aprs Mantellier 1866, pl. II (dessin Ch. Pense).
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l’art gaulois dans la position statique et dans le traitement du pelage. Les grands
animaux en t le chaudronne avaient t volontairement dmembrs lors de
l’amnagement du dp t et ont t remonts aprs la dcouverte, donc des
incertitudes de dtail subsistent. Le plus grand sanglier tmoigne d’une forte
composante romaine classique tandis que les trois autres sont purement gaulois.
Leurs fonctions peuvent avoir t multiples : peut-Þtre, comme cela a t
suggr, auraient-ils pu servir d’enseignes militaires pendant la priode de la
Gaule indpendante et, plus tard, avoir t utiliss comme objets votifs7 ; ils
peuvent aussi n’avoir eu que la seconde vocation.
La statuaire anthropomorphe pose, aujourd’hui encore, de grands problmes
d’interprtation. Si le grand homme vÞtu d’un sagum et de braies entre
facilement dans le cadre connu de l’art gallo-romain, trois autres statuettes –
dsignes comme le grand danseur et la grande et la petite danseuses –
s’loignent beaucoup des modles classiques, tout en tmoignant d’une
assurance remarquable dans le model. En revanche, les six autres statuettes
d’hommes et de femmes, pour la plupart nus, semblent Þtre l’œuvre d’un artisan
qui, tout en imitant des modles, n’tait familier ni du travail de la cire ni mÞme
du travail en ronde-bosse. Leur sujet et leur signification nous chappent
entirement ; on peut exclure qu’il s’agisse d’Þtres humains, mais aucun parallle
dans le monde divin ne s’impose.
On est presque tonn de se trouver, ensuite, face quatre figurines de style
trs courant : une belle statuette d’Esculape qui semble Þtre une pice importe
de Mditerrane orientale tandis que Hercule enfant, Mars et le petit taureau
pourraient Þtre des produits gallo-romains locaux. Avant de faire partie du dp t
du sanctuaire, Hercule enfant servait de support un meuble dpourvu de toute
fonction rituelle. Le tour d’horizon du dp t de Neuvy se termine avec une
trompe et trois patres de forme banale qui pouvaient Þtre utilises dans un
contexte profane ou rituel ; que les patres aient fait partie du dp t plaide en
faveur de leur utilisation secondaire dans l’quipement du sanctuaire ; quant la
trompe, c’est un objet tout fait remarquable, par son inscription qui n’a pas
encore pu Þtre dchiffre de manire satisfaisante, comme par sa conservation
presque parfaite ; de facture purement romaine, elle aurait, pense-t-on, t
utilise dans un premier temps en contexte militaire avant d’entrer dans le dp t
du sanctuaire, mais, comme pour les sangliers, la seconde destination est plus
vraisemblable.
Rsumons les caractristiques essentielles du dp t de Neuvy, dont les
diffrences avec celui de Champoulet ne sont pas ngligeables. Comme pour le
Mercure de Champoulet, une collectivit a fait excuter l’offrande la plus
importante, mais, la diffrence de Champoulet, aucun don n’est attribu
explicitement un individu. Le dp t de Champoulet runit des objets de
7
Vial 2007, p. 64 – 76 et 215 – 216.
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caractre sacr pour la plupart ou qui, profanes, ont t transforms en offrandes
votives par les inscriptions, comme la cruche et la petite patre ; tous semblent
dater d’une priode assez courte, savoir la fin du IIe – le dbut du IIIe s. En
revanche, le dp t de Neuvy impressionne par le grand nombre d’objets qui,
l’origine, n’avaient pas de fonction religieuse : le support avec Hercule enfant,
les patres, et peut-Þtre les sangliers et la trompe. Il n’est pas facile de se
prononcer sur la fourchette chronologique du dp t mais elle para t assez large,
couvrant une bonne partie du Ier s. av. et au moins le dbut du Ier s. ap. J.-C.,
sans compter que la trompe, les patres, l’Hercule enfant et le Mars pourraient
aisment dater du IIe s.
L’ensemble associ Cobannus, plus mystrieux, constitue un cas de figure
diffrent des prcdents : l’auteur, le lieu, la date de dcouverte devront Þtre
confirms, mais le lien entre les objets est certain. Il est dsign comme « le
trsor cach du dieu Cobannus », ou « la cachette des Cobanni », expression tout
fait inadapte puisqu’il s’agit d’un dieu unique8. On conna t actuellement du
dp t deux bustes masculins, trois statuettes de divinits masculines, un cerf, un
tronc offrandes et une situle (fig. 3).
Les deux bustes de jeunes gens, sans doute gallo-romains, prsentent une
particularit : leur coiffure est divise en deux par un sillon transversal, une
caractristique du travail des bronziers gaulois qui s’est perptue, notamment
en Gaule romaine et en Italie du Nord9 ; trs probablement des mches
rapportes taient l’origine soudes l’arrire des deux tÞtes. Ces bustes
s’inscrivent dans la deuxime moiti ou la fin du Ier s.
La pice la plus spectaculaire est la grande statuette d’un dieu qui ne serait
pas identifiable si son nom, Cobannus, n’tait indiqu sur le socle (fig. 4). Sa
qualit artistique est extraordinaire et ses caractres typologiques le diffrencient
de tout ce qu’on connaissait. Il est vÞtu d’un trs fin chiton manches longues,
de braies et d’une ample chlamyde – une combinaison tout fait inhabituelle
puisque, d’ordinaire, la grande chlamyde est porte par Mercure10. Sa main
droite leve tenait une lance, sa main gauche s’appuyait sur un bouclier pos
terre. Sa tÞte casque est encadre de boucles volumineuses – un dtail qui le
rapproche du grand Mars de Coligny11 ; ses oreilles ne sont pas figures : elles
devaient Þtre caches par des couvre-joues aujourd’hui manquants. Ce dtail
prouve que le casque n’a pas t ajout plus tard, or il s’agit exactement d’un
8 Ce sont les titres des rubriques de l’AE 2000, 1845 – 1847 ; voir n. 2. Sur la trouvaille
Fellmann 2001, et, en dernier lieu Pollini 2002 avec Rolley 2002.
9 Rolley 2002, p. 282 – 284.
10 Voir, p. ex., la statuette de Mercure en argent du dp t de Berthouville dans la cit des
Lexovii : Babelon 1916, n8 2 pl. IV.
11 S. Boucher, S. Tassinari, Bronzes antiques du Muse de la civilisation gallo-romaine Lyon,
Lyon, 1976, I n8 43.
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Fig. 3. Deux statuettes, cerf et situle du dp t « de Cobannus ». H. de la plus grande statuette
51,5 cm. Collection prive Shelby White and Leon Levy, New York, Clich Bruce White,
New York.
casque de type Niederbieber, utilis surtout par la cavalerie romaine au IIe s.12, ce
qui co ncide avec les donnes stylistiques qui orientent vers le milieu du IIe s. La
deuxime statuette, d’une hauteur remarquable elle aussi, serait identifie coup
sr avec Mars, par son casque – cette fois de type corinthien ordinaire – et par
12 En dernier lieu Pollini 2002, p. 28 – 29 fig. 71.
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Fig. 4. La grande statuette du dp t « de Cobannus ». H. 67,5 cm.
Clich The J. Paul Getty Museum, Villa Collection, Malibu, California.
son bouclier, si l’inscription du socle ne nous informait qu’il s’agit encore de
Cobannus. Il correspond un type de Mars jeune nu trs rpandu en Gaules, au
torse trs muscl et d’un model puissant. Les particularits stylistiques du visage
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le rapprochent d’une srie de quatre bustes de divinits provenant de Lewarde
(Nord)13. Il pourrait se placer vers la fin du IIe s. La troisime statuette, la plus
petite, rappelle vaguement les statuettes de Neuvy, avec ses petits pieds, ses
petites mains et son model trs stylis. Elle pourrait dater d’une priode de
transition, au dbut du Ier s. ; ce qui reste sans parallle jusqu’ici est l’inscription
place sur le bouclier qui dsignerait explicitement la statuette comme objet
votif offert Cobannus. Il y avait une quatrime statuette, haute de 20 25 cm,
comme le prouvent les traces de soudure de deux pieds sur un tronc offrandes
qui a la forme de monument funraire (fig. 5). Il est impossible de dire si la
statuette s’tait dtache du toit dans l’antiquit ou si elle en a t spare
depuis.
Une reprsentation de cerf aux cornes rapportes rappelle par son style, sa
position statique et son long corps le cerf de Neuvy ; elle se situerait donc la
fin de l’poque gauloise ou au dbut du Ier s.14. Le dernier objet connu est une
situle bitronconique, d’un type attest en Italie et en Gaule de l’poque flavienne
l’poque antonine. Cette pice de vaisselle usage domestique a t
transforme en objet votif par son inscription.
ces pices on sait officieusement que s’en ajoutent d’autres, notamment
une srie de statuettes animales, de taille plus petite que les prcdentes, et un
trs grand nombre de monnaies. Le dp t de Cobannus se distingue donc
nettement des deux dp ts prcdents : la palette des styles est beaucoup plus
tendue, et la fourchette chronologique beaucoup plus large, du Ier s. la fin du
IIe s. au moins, pour les objets, les monnaies s’chelonnant jusqu’au dbut du
IVe s.
partir de ces descriptions, les critres de dtermination de la nature, religieuse
ou non, des dp ts, peuvent Þtre analyss avant d’envisager leur appartenance
aux biens de temples.
Le vocabulaire contemporain n’apporte pas d’lment de discrimination :
actuellement trois mots principaux sont employs pour dsigner ces ensembles.
Le mot « trsor » renvoie une ide de richesse ; le mot « dp t » suggre la
fois l’intention de mise en scurit et l’entassement dsordonn, mais n’voque
pas de valeur spciale des objets ; « cachette » ne suggre que la volont de
dissimulation, sans implication quant la composition. Pour cerner la nature
des ensembles, il faut recourir essentiellement aux modalits des dcouvertes qui
13 Gricourt 1958.
14 Cet objet, beaucoup plus petit, ne se superpose pas au taureau pigraphe qui faisait partie
de l’ensemble (information prive).
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Dondin-Payre / Kaufmann-Heinimann, Trsors et biens des temples
Fig. 5. Le tronc offrandes du dp t « de Cobannus ». H. 51 cm.
Clich The J. Paul Getty Museum, Villa Collection, Malibu, California.
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permettent de conna tre le contexte immdiat et l’agencement du dp t, et
l’apport de l’pigraphie15.
Pour pouvoir envisager formellement qu’il s’agit d’un dp t de sanctuaire, il
faut que les objets soient placs de faÅon intentionnelle, soigne, dans une cavit
et, une fois ce fait avr, il conviendrait de rechercher des traces de sanctuaire
proximit. Or la modalit des dcouvertes, apparemment un critre factuel simple,
se rvle souvent dlicate tablir. En crasante majorit les trouvailles, qu’elles
soient fortuites, faites l’occasion de travaux, ou intentionnelles mais non
officielles, relvent de personnes plus concernes par la valeur montaire que par
l’intrÞt scientifique. Les circonstances restent souvent obscures, soit parce que
les inventeurs ne mesuraient pas l’intrÞt de les enregistrer, soit parce qu’ils
voulaient viter le risque d’Þtre dpossds. La date n’a aucun rapport avec la
prcision, qui n’augmente pas au fil du temps : il y a un sicle et demi Philippe
Mantellier a enregistr les dtails de Neuvy aussi bien qu’il lui tait possible ;
ceux de Champoulet, il y a moins d’un sicle, sont vagues ; quant au plus rcent,
l’ensemble de Cobannus, bien que ce soit assurment un dp t organis, il est
entour de mystre.
En mai 1861, Philippe Mantellier, alors conservateur du muse d’Orlans,
averti de la dcouverte de Neuvy-en-Sullias, se rendit immdiatement sur les
lieux; en dpit de cette efficacit, une marge d’incertitude non ngligeable
subsiste sur la composition du dp t, mais Mantellier examina la carrire de
sable d’o il provenait, la cavit d’1,5 m de c t, dont les parois et le fonds
taient faits de briques et de tuiles, et le toit sans doute en bois ; il recueillit les
tmoignages dtaills des acteurs et rdigea l’ensemble dans un mmoire illustr
qui fait encore autorit aujourd’hui16. Il note que des objets ont disparu avant
son arrive.
En revanche, la communication du dp t de Champoulet, mis au jour plus
de sept dcennies aprs, fut diffre de 50 ans. peine a-t-on ide d’une date
approximative d’apparition, vers 1933, peine conna t-on le nom de la
commune, Champoulet, et vaguement les circonstances, le creusement d’un
canal entre deux tangs ; rien n’a t diffus, ni sur la localisation, mÞme
approximative, de la proprit concerne, rien donc sur l’environnement, ni sur
la composition globale du dp t qui fut immdiatement partag, en deux dit-on
toujours sans le savoir avec certitude, sur le principe que ces quipes de
manœuvres comprenaient en gnral deux employs ; en fait certainement en
des parts plus nombreuses, car le propritaire du terrain et le commanditaire des
15 De plus en plus rgulirement les diteurs de « trsors » s’interrogent sur la mthodologie
et la terminologie ; ainsi, Aubin 2007 ; Baratte surtout 1992, 1993, 1996 et 2007 ;
Kaufmann-Heinimann surtout 2007b. Pour des rflexions gnrales, Knzl 1997 ;
Painter-Knzl 1997.
16 tude complte, Mantellier 1866 ; Gorget 2007.
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travaux, qui n’taient pas ncessairement la mÞme personne, s’ajoutent ce
chiffre ; le nombre d’objets est sans conteste (beaucoup) plus important que le
total actuel. Il est sr qu’une partie, au moins la moiti de l’ensemble, peut-Þtre
plus, « disparut » (vendue un ferrailleur ?) ; une autre, reste ou venue en
possession d’un ch telain qui la cda un antiquaire, fut acquise par le Muse
des Antiquits nationales de Saint Germain en 197617. Ce n’est qu’alors, en
1980, que ces objets furent connus et tudis.
Le cas de l’ensemble de Cobannus est extrÞme, et passionnant du point de
vue mthodologique. Sans entrer dans les dtails, esquissons son histoire : en
1989 un clbre couple de collectionneurs amricains, Lawrence et Barbara
Fleischmann, fit don au muse Getty des deux bustes masculins ; dans les
annes 1990 le muse leur acheta en deux temps le tronc montaire, puis la
grande statue18 ; certainement, il avait jet son dvolu sur les deux pices parce
qu’elles appartenaient au mÞme lot, auquel le nom du dieu Cobannus inscrit sur
le socle de la statue donnait tout son sens ; plus tard, le Getty acquit la totalit
de la collection Fleischmann. ce moment-l, le lot tait rput avoir t trouv
dans les annes 1940, pendant la guerre ou immdiatement aprs, dans la rgion
de BesanÅon. Paralllement, une information circula selon laquelle un autre
couple de collectionneurs amricains, Shelby White et Leon Levy, qui donnait
assez libralement accs sa collection, dtenait aussi des objets sur lesquels
figurait le nom du mÞme dieu, Cobannus, et dont la provenance tait similaire.
La date de leur acquisition et ses circonstances sont, ce jour, officiellement
ignores. Il s’agit des quatre autres objets connus, dont trois sont inscrits : la
situle, les deux autres statues de dieu, le cerf anpigraphe. Tous les textes
mentionnent Cobannus. Ces objets auraient t trouvs avec ceux de la premire
srie, une date un peu plus prcoce que celle qui tait avance, juste avant ou
juste aprs 1940, un emplacement situ entre Annecy et Annemasse. Quoique
ce glissement ne soit pas indiffrent car on passe de la cit des Squanes
(BesanÅon) celle des Helvtes, il est inutile d’piloguer sur la question car cette
localisation, errone, aurait t donne par le « marchand » (dealer), un
professeur amricain, John Pollini19. Celui-ci a, en 2002, fait une publication
globale du « trsor de Cobannus », publication dont le mrite est de prendre en
17 Le plus probable, mais non assur, est qu’elle tait reste aux mains du propritaire du
terrain o la trouvaille a t faite, comme ddommagement au moment du partage. Ces
pripties expliquent la prsentation tardive l’exposition Cinq annes d’enrichissement du
patrimoine national, Paris, Grand Palais, 1980, p. 11 – 12, n8 8. Nos remerciements
chaleureux vont Hlne Chew, Conservatrice en chef charge des collections galloromaines au Muse d’Archologie nationale, qui nous a apport une grande aide.
18 Lavagne 1999, p. 690, n. 4 (par erreur la date du don est fixe 1989).
19 Pollini 2002 : « It has been said that this hoard was found in the vicinity of ancient
Vesontio (BesanÅon) ; however, the cache was in fact discovered between Annecy and
Annemasse (note 3 : I thank the dealer for this information) ».
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compte tous les objets alors connus et d’en donner de nombreuses photos20. De
fait, la localisation du dp t est bien, comme il avait t tabli partir de
l’pigraphie, la cit des duens, au bois de Couan, l o l’inscription citant
Cobannus avait t trouve en 197321.
Le contexte immdiat et l’agencement du dpt, indices solidaires l’un de
l’autre, contribuent l’valuation de sa nature. Le contexte immdiat, mis part
les cas d’environnement priv avr (quartier d’habitations, demeure isole), est
trs souvent obscur ou ignor ; sauf lors de fouilles programmes – et encore – le
flou rgne22 ; tout au plus la prsence de vestiges monumentaux ou d’objets
peut-elle avoir t signale dans un primtre plus ou moins proche. De fait, on
ignore si des tablissements de caractre religieux se trouvaient proximit des
trois dp ts considrs : le propre des « trsors », tant, estime-t-on, leur
caractre secret, l’association une structure banale n’a t qu’exceptionnellement envisage. Il serait intressant que des investigations soient faites quand
cela est encore possible. dfaut, le mode d’enfouissement constitue un indice
de poids : conna tre l’agencement de la « cache » est ncessaire pour dterminer
la motivation du dp t. Du fait que les ensembles les mieux documents sont
isols dans une cavit qui leur est propre, amnage souvent avec des tuiles, des
pans de bois, et non enfouis dans un contenant, on en dduit que ce sont des
« cachettes » : ce mot implique qu’on a voulu soustraire les objets la vue pour
les protger mais n’indique pas le mobile de cette dcision. Or on sait que de
multiples raisons peuvent conduire une communaut cultuelle mettre de c t,
en suivant certaines rgles, des objets ayant t exposs ou utiliss ; les favissae,
ces fosses installes proximit du temple ou dans le primtre sacr,
correspondent cette intention ; ce terme, qui s’applique en fait au Capitole de
Rome (voir ci-dessous n. 53), implique des rituels d’accompagnement dont on
ignore s’ils transparaissaient dans l’agencement des dp ts considrs ; peut-Þtre
le dmembrement des sangliers de Neuvy en porte-t-il trace, au-del des
impratifs d’encombrement. En tous cas il faut envisager que ces dp ts puissent
Þtre en relation avec un temple ou un primtre sacr ; leur prsence devrait Þtre
prise en compte dans cette optique lorsque l’on dessine une carte des lieux de
20 complter par le CR critique de Rolley 2002, p. 281 – 287, qui parle trs justement de
« dp t ». Fellmann 2001 avait dj donn une description et une analyse de l’ensemble.
21 M. Dondin-Payre, M. Th. Raepsaet-Charlier, « Un duumvir non localis », Cits 1999,
p. 353 – 354 avaient dj propos, sur la foi de la formule ddicatoire, une origine
duenne maintenant assure. La dcouverte a t faite prs de Fontenay-prs-Vzelay et
non Fontaine-prs-Vzelay (erreur frquente, e. g. AE 2002, 906) localisation qui
entra ne une confusion avec Fontaines Sales, la prcision n’est pas inutile car la zone est
limitrophe entre les Snons et les duens. Cf. n. 34.
22 MÞme dans le cas de la fouille programme de Vaise, Vaise 1999, l’incertitude domine.
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culte, et une surveillance archologique autour de ces points pourrait rvler des
informations de ce type, comme ce fut le cas Berthouville23.
L’pigraphie apporte l’identification des dp ts une contribution essentielle
pour cerner la ou les divinits au(x)quelle(s) les objets sont offerts ; identifier des
ddicants ; dater la rdaction des textes ; manifester de faÅon explicite le
caractre sacr d’objets qui n’ont, en eux-mÞmes, pas de vocation religieuse : du
fait qu’ Champoulet une patre inscrite d’un intitul votif et une autre,
anpigraphe, coexistent, on peut dduire le caractre religieux de la seconde.
Tableau 2 : Dnomination des intervenants divins et humains
rfrences
ddicants
statut
dnomination
– linguistique
Carnutes, CIL
Augusto Rudiobo
XIII 3071,
sacrum
Neuvy-en-Sullias
curia Cassiciate
groupe
officiel
celtique
Senons, AE
1980, 641,
Champoulet
in honorem
domus diuinae
deo Mercurio
Dubnocaratiaco
dvots de Mercure groupe
(ex stipe eius)
informel
Senons, AE
1980, 643,
Champoulet
Augusto saccrum
deae Rosmertae
Dubnocaratiaci
Marrosso Marulli
filius (la lecture
Maross(us) est
errone)
prgrin
pre : latin
celtique
fils : celtique
Senons, AE
1980, 644,
Champoulet
Augusto sacrum
Nobilis Titiani f.
deo Appolino (sic)
Dunocaratiaco
prgrin
pre : latin
italien
fils : latin
italien
Senons, AE
1980, 642,
Champoulet
Augusto sacrum
Mercurio
Dubnocaratiaco
Messa Marulli
prgrin
pre : latin
celtique
fils : celtique
duens, AE
2000, 1847
(White-Levy)
deo Cobanno
Samotalus
Brigonis f.
Augustodunesis
prgrin
pre : celtique
fils : celtique
duens, AE
2000, 1846
(White-Levy)
Augustu sacru deo M. Tut(i)u(s ?)
Cobannu
Cassio
douteuse
douteux
divinits
citoyen gentilice
romain ? celtique ?
surnom ?
23 Berthouville les fouilles partielles du P. de La Croix ont rvl des structures de temples
qu’il a prises pour des habitations, Babelon 1916, plan, p. 28 ; Notre Dame
d’AllenÅon, la prsence d’un sanctuaire de Minerve nous semble beaucoup plus probable
qu’ Baratte 1981, p. 20 – 21.
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Tableau 2 : Dnomination des intervenants divins et humains (suite)
duens, AE
2000, 1845
(White-Levy)
deo Cobanno
douteuse
Geminianus Solini prgrin
douteux
douteux
duens, AE
1994, 1915 ;
1999, 1173 –
1174 (Getty)
Augusto sacrum
deo Cobanno
L. Maccius
citoyen gentilice latin
Aeternus duumvir romain indigne
magistrat surnom latin
italien
pre :
celtique ?
fils : latin
italien ?
curateurs
Carnutes, CIL
Augusto Rudiobo
XIII 3071,
sacrum
Neuvy-en-Sullias
Ser. Esumagius
Sacrovir
citoyen
romain
tous noms
celtiques
Carnutes, CIL
Augusto Rudiobo
XIII 3071,
sacrum
Neuvy-en-Sullias
Ser. Iomaglius
Severus
citoyen
romain
gentilice
celtique
surnom latin
italien
Sedatus Valloicis
prgrin
pre : celtique
fils : latin
celtique
Senons, AE
1980, 641,
Champoulet
in honorem
domus diuinae
deo Mercurio
Dubnocaratiaco
Neuvy, l’avant du socle du cheval porte une inscription : Aug(usto) Rudiobo
sacrum / cur(ia) Cassiciate d(e) s(ua) p(ecunia) d(edit) / Ser(uius) Esumagius
Sacrouib(=r), Ser(uius) Iomaglius Seuerus / f(aciendum) c(urauerunt), « Consacr
Rudiobus, auguste ; la curie Cassiciate a fait ce don ses frais ; Servius
Esumagius Sacrovir, Servius Iomaglius Severus ont t chargs de l’excuter ».
Cette ddicace romaine tout fait classique dans sa forme exprime des ralits
en partie celtes24. Rudiobus, dont l’identit nous chappe est indubitablement un
dieu celtique, dont le nom est latinis et dclin ; le qualificatif Augustus, trs
banal et sans rapport direct avec le culte imprial, montre que son culte tait
insr dans ceux de la cit des Carnutes et plus gnralement dans la religion de
l’empire. La curie Cassiciate (toponyme celtique tir de cassica, la jument,
translittr en latin25) a dsign des mandataires pour assurer l’excution de
24 On reprend rapidement l’argumentation dveloppe ailleurs, M. Dondin-Payre, « La
ddicace du cheval de bronze du dp t de Neuvy-en-Sullias (Carnutes) : le celtique
»contre« le latin ? », Espaces et pouvoirs dans l’Antiquit de l’Anatolie la Gaule. Hommages
Bernard Rmy, d. par J. Dalaison, Lyon, 2007, p. 307 – 317.
25 La curia Cassiciate est un rassemblement, constitu autour d’un homme ou d’un lieu
antrieurement l’occupation romaine et maintenu ensuite ; voir J. Scheid, « Aspects
religieux de la municipalisation. Quelques rflexions gnrales », Cits 1999, p. 402 –
417.
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l’offrande qu’elle a paye (sua pecunia). Ces curatores (ligne 4) se distinguent
par leur statut juridique de citoyens romains une poque (I er s.) o la
citoyennet n’tait pas gnralise. Les Servii, Esumagius Sacrovir et
Iomaglius Severus, sont indignes. L’inscription du cheval de Neuvy
identifie la totalit du dp t comme appartenant un sanctuaire parce
que l’initiative de l’offrande principale revient une collectivit officielle
organise qui a mis en œuvre un financement et une excution complexes et
indirects. Le caractre anpigraphe des autres lments ne permet pas de
savoir si des divinits autres que Rudiobus taient honores au mÞme lieu,
mais leur association au cheval les englobe dans l’intention du dp t.
Champoulet quatre objets – une patre, trois statuettes dont celle de
Mercure – portent des ddicaces trs banales qui rvlent les caractristiques
suivantes : comme Neuvy le culte est insr dans le contexte de la religion de
l’empire, toutes les mentions divines y tant lies celle de l’empereur ou de la
famille impriale ; l’encha nement Aug. + sacrum + deo/ae + nom du dieu date
du milieu du IIe s. au milieu du IIIe s.26 ; les dieux honors sont multiples, cas de
figure banal pour les sanctuaires : deux fois Mercure, Apollon et Rosmerta ;
mais ils sont associs par une qualification forme sur Dubnocaratiacum soit
adjective – Dubnocaratiacus pour Mercure et Apollon -, soit locative –
Dubnocaratiaci pour Rosmerta. Dubnocaratiacum, toponyme de l’poque celte,
est translittr en latin, exactement comme Neuvy. Le rattachement un
« domaine rural » de ce sanctuaire plurivalent est infond. Les trois ddicants
sont des particuliers dont deux, Marrosso et Messa, sont certainement frres
puisqu’ils sont fils de Marullus27 ; ils sont tous prgrins, donc antrieurs 212 –
213. La grande reprsentation de Mercure a t, elle, finance par une collecte,
ex stipe eius. Le dveloppement ex stipendio, qui fait du donateur un soldat ayant
utilis sa solde pour payer son don, est erron puisque, comme Neuvy, un
curateur, le prgrin Sedatus fils de Valloix, a t dsign par la collectivit pour
veiller la ralisation de l’objet financ par la runion de fonds appartenant au
dieu (eius). Ex stipe dsigne des oprations ralises gr ce des dons accumuls,
notamment dans un tronc comme celui du dp t de Cobannus28. Stips suppose
une organisation sur la dure impliquant une communaut, spcificit qui
26 L’articulation du formulaire est formelle quant la date et aux cits concernes, M. Th.
Raepsaet-Charlier, Diis deabusque sacrum : formulaire votif et datation dans les trois
Gaules et les deux Germanies, Paris, 1993, p. 55 – 56.
27 La lecture Maross(us), AE 1980, 643, reprise par M. Dondin-Payre, « L’onomastique des
cits de Gaule centrale », Noms 2001, p. 285, 300, 304 est indubitablement errone :
Marrosso est trs clairement incis.
28 Thesauros et stips ne sont pas synonymes : l’un implique tarifs de consultation d’oracles,
de traitements de thrapie, oprations traditionnelles, par contraste avec les oprations
ponctuelles impliques par stips : Kaminski 1991, passim et p. 124 pour la comparaison
entre les deux.
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s’accorde avec les dimensions notables, donc le cot, de l’objet29. La prcision
eius est essentielle : la collecte, certainement associe un tronc, est destine
Mercure Dubnocaratiacus reprsent par eius 30 ; le sanctuaire associ au dp t de
Champoulet comportait peut-Þtre des troncs appartenant d’autres dieux. En
rsum, le dp t de Champoulet peut Þtre mis en relation avec un sanctuaire o
sont honors plusieurs dieux, dsigns par un adjectif celtique topique qui
reflte une continuit depuis l’indpendance ; les dvots agissent individuellement mais sont aussi assez nombreux pour se constituer en groupe. La datation
est plus tardive et plus large que pour Neuvy : entre le milieu du IIe s. et les
premires dcennies du IIIe s.
Le dernier ensemble envisag n’est pas communment identifi par un lieu
(rappelons que sa localisation n’est pas officiellement connue) mais par le nom
du dieu : il s’agit des objets lis par leur bnficiaire, deus Cobannus, sur lesquels
il est ncessaire d’insister un peu. Actuellement, la plupart des objets attests
sont inscrits, mÞme si le dp t en comportait beaucoup d’autres, anpigraphes
(tableau 1). Le socle de la statue Cobannus (Getty) porte une ddicace de trs
belle facture (AE 1994, 1915 ; 1999, 1173 – 1174 ; voir 1993, 1198) : un
citoyen romain, Lucius Maccius Aeternus, d’origine gauloise comme l’atteste
son gentilice, magistrat municipal (d’une cit non nomme, mais dsormais
identifie comme celle des duens) offert titre priv une statue Cobannus. La
formule ddicatoire, exactement semblable celle de Champoulet (Aug(usto)
sacr(um) deo Cobanno), est caractristique des nomenclatures des cits duenne
et snone : Aug + sacr + deus + nom du dieu31. L’ensemble en possession du
couple White-Levy comporte trois inscriptions. Sur le socle d’une statue plus
petite que la prcdente mais encore de taille respectable, un prgrin,
Geminianus fils de Solinus (noms connus dans les zones celtiques), dclare, par
un texte crit au poinÅon, remercier le dieu Cobannus pour l’exaucement de son
vœu (AE 2000, 1845). L’intitul ne prsente aucune particularit ; les A, L, M,
N, trs similaires ceux de la statue prcdente, sont banals ; en revanche la
forme des U est absolument anormale (fig. 6) ; leur base arrondie ne peut
s’expliquer ni par la technique du poinÅonnage, plus facile d’excution que celle
de l’incision continue, ni par une simplification du trac, plus compliqu en
arrondi qu’en V ; la graphie est proche de celle de la situle mais celle-ci ne
prsente pas cette tranget qu’on ne sait comment justifier. Le ddicant de la
29 M.H. Crawford, « Thesauri, hoards and votive deposits », Sanctuaires et sources. Les
sources documentaires et leurs limites dans la description des lieux de culte, coll. Centre J.
Brard 22, Naples, 2003, p. 69 – 84 ; J.L. Desnier, Oblata stips. Recherches sur les
offrandes montaires des lieux sacrs en Gaule l’poque romaine, thse EPHE ind., Paris,
1983, 3 vol. ; RE, n.s. VI, s.v. stips, A. Hug, 1929, col. 2598 – 2599.
30 Voir bibliographie dans Kaufmann-Heinimann 2007a, p. 221.
31 Voir n. 21 et 26.
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situle, Samotalus fils de Brigo, prgrin l’onomastique trs rare32, prcise non
sa cit d’appartenance, mais la ville d’o il vient : Augustodunum, capitale de la
cit des duens (AE 2000, 1847). Certains en ont dduit que cette mention
excluait l’association du culte de Cobannus avec les duens, en dpit de la
formule votive caractristique : Samotalus apporterait la prcision de son origo
parce qu’il rend un culte l’extrieur de la cit duenne. Il faut inverser le
raisonnement : dans les attestations d’origo des prgrins des Gaules centrales,
l’appartenance est toujours exprime ainsi : ciuis Eduus, ou simplement Biturix,
Senonius ; elle ne situe pas seulement gographiquement, elle affirme l’appartenance au corps civique et les droits affrents33. Se dclarer originaire de, ou
venant d’Autun, ne manifeste pas la mÞme chose : Samotalus ne se dit pas
duen, car c’est vident, il est dans sa cit ; mais il n’est pas dans sa ville, la
capitale, Autun ; il est sur le territoire. Autunois, il s’identifie en territoire
duen, comme aujourd’hui un Parisien se prsenterait en le-de-France. Ces
deux arguments, formulaire votif et formulaire identitaire suffiraient retirer
dfinitivement le culte de Cobannus, et donc le dp t qui l’atteste, aux
Squanes, et le rattacher aux duens34. Un troisime indice va dans le mÞme
sens : une ddicace inscrite sur une stle remarque dans le bois de Couan, prs
de Vzelay, chez les duens, d’o , comme on le sait dsormais, provient le
dp t, commence par : Aug(usto) sac(rum) [de]o / Cobanno / A […] / AB […] /
Leug[…., « Consacr l’Auguste et au dieu Cobannus … Leug[… [a fait cette
offrande … ? » (AE 1993, 1198, Fontenay-prs-Vzelay). Peu importe que la fin
ait prÞt confusion, cette attestation ancre le culte de Cobannus au lieu d’o ,
on le sait dsormais, provient le dp t. Ce recoupement entre des documents
citant le dieu Cobannus a confirm l’authenticit de ce nouvel occupant du
panthon gallo-romain, contest tant que son attestation semblait isole, et a
attir l’attention sur l’intitul d’une tablette, en caractres grecs et latins, ddie
Gobanos, chez les Helvtes35 ; la parent du thonyme avec celui des ddicaces
prcdentes a lgitim l’identification de Gobanos comme le dieu connu ensuite
comme Cobannus. On peut ajouter que le transfert du dieu des Helvtes chez
les duens est certainement trs prcoce car il s’explique parfaitement par les
contacts entre les deux peuples dans les annes 58 av. J.-C. (Caes., Gall. I, 15 et
sq).
32 Samotalus, trs rare, est attest Alsia ; Brigo est un anthroponyme jusque l inconnu.
33 Dondin-Payre 2001, p. 264 – 265.
34 La proposition d’attribution aux duens, faite par Dondin-Payre, Raepsaet-Charlier
1999 puis par Lavagne 1999, doit dsormais Þtre considre comme certaine.
35 Tablette en zinc, trouve Berne, « Gobanos, qui passe avec son char par la terre, les
habitants de Brenodurum (Berne ?) et de la valle de l’Aar », AE 1994, 1915 ; voir 1993,
1198 ; 1995, 1143 ; 1999, 1116. Fellmann 1991 et 2000.
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Le dernier texte de l’ensemble s’explique la lumire des prcdents : sur le
bouclier port par le dieu de la plus petite des statuettes de Cobannus figure une
inscription incise trs laide, peine dchiffrable, proche du graffito, peut-Þtre
lire ainsi : Augustu / sacru(m) / deo Coban/nu / A. (?) plut t que M.(?) Tutu
Cassio, soit « Consacr l’Auguste et au dieu Cobannus ; Aulus (?) Tut(i?)u(s)
Cassio (a fait cette offrande) » (AE 2000, 1846). Il est difficile de comprendre
pourquoi l’inscription n’a pas t faite sur le socle, disparu, mais indispensable
pour que la statuette tienne debout. La graphie est extrÞmement trange,
excrable, sans aucune parent avec des textes srs, l’intitul plein d’invraisemblances : le U final, substitu O, pour Augustu et Cobannu, ou par suppression
de la consonne finale, pour sacru, Tutu ; le gentilice Tut(i)u(s) (?), la fois
inconnu et aberrant linguistiquement, rappelle le surnom Tutus ; le surnom
Cassio inconnu mais inspir du gentilice Cassius. Non pas des hapax mais des
mots dforms, mal orthographis, une onomastique invraisemblable, des
incohrences, un emplacement de gravure bizarre, tout ceci veille le soupÅon. Si
la statuette est authentique, on peut concevoir des doutes sur l’inscription telle
qu’elle a t lue. La facture du texte a paru en accord avec la qualit rustique de
la statuette et de son ddicant, homme de peu, dit-on ; cette association,
toujours contestable, ne correspond pas la structure onomastique ternaire de
citoyen romain, statut qui n’implique pas la richesse mais un niveau de culture
honorable.
En dpit de ces problmes, il n’est pas douteux qu’existe un dp t trs
important Cobannus prsentant les caractristiques suivantes : localisation sur
le territoire des duens, hors du chef-lieu ; divinit particulirement apprcie
par les duens, honore par plusieurs ddicants indpendants les uns des autres,
de statuts juridiques varis, qui offrent des objets de grande taille (statues) ou
vocation cultuelle (situle) dans une fourchette chronologique qui s’tend du Ier s.
au milieu du IIIe s. Et des milliers de monnaies allant jusqu’au IVe s. Il est trs
probable que le dp t rvle l’existence d’un « grand sanctuaire » duen dans le
bois de Couan36.
*
partir de l’tude de ces trois cas nous allons tenter de cerner les critres qui
permettent de dfinir un dp t comme tant associ un sanctuaire puis leur
r le dans l’valuation des biens des temples.
Le nombre des objets n’est pas un critre ; l’vidence il faut qu’il y en ait
plusieurs, mais le nombre varie considrablement, pour autant qu’on puisse en
36 Le toponyme Couan (aussi transcrit Couans, ou Couhan, Fellmann 2001) rappelle peutÞtre la prsence du sanctuaire de Cobannus, Rolley 1997. Ce toponyme trs peu diffus
n’est pas pris en compte dans les lexiques de noms de lieux.
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juger, c’est--dire sur la base d’valuations, puisqu’on ignore les totaux : plus de
60 objets connus Berthouville ; Neuvy, une trentaine ; Champoulet les huit
qui restent sont censs reprsenter peu prs la moiti du total (mais ce nombre
est trs conjectural et probablement trs infrieur la ralit) ; pour Cobannus,
aux huit objets officiellement attests, s’ajoute notamment une grande quantit
de statuettes anpigraphes. Un dp t en relation avec un sanctuaire implique la
multiplicit et l’abondance, pas ncessairement exceptionnelle. Nous voudrions
insister sur les monnaies ; il est rarissime qu’elles aient t conserves, donc elles
ne sont pas prises en compte. Cependant, elles devaient Þtre, sinon toujours
prsentes, du moins trs frquemment, mais ce sont elles qui disparaissent les
premires. Le dp t d’argenterie de Berthouville a t en partie sauv par
l’interception de la brouette dans laquelle le paysan avait dpos les grandes
pices qu’il se proposait de vendre « la ville », Bernay ; on sait que des objets
ont disparu, dont probablement des monnaies. Il en va exactement de mÞme
Neuvy, o Mantellier constata l’absence d’un certain ombre des objets dont il
avait entendu parler. Quant Cobannus, le dp t comportait des milliers de
monnaies, qui allaient jusqu’au IVe s., conserves dans le tronc et dans des
pots37. Les monnaies font donc partie des dp ts de sanctuaire, elles refltent
une thsaurisation au sens propre.
Le matriau n’est pas pertinent pour identifier un dp t de sanctuaire.
L’unit du matriau est consubstantielle aux dp ts, parce qu’elle constitue le
premier critre de tri lors de leur constitution : le mtal est alors spar de la
cramique, du bois etc., il est mÞme exceptionnel que les mtaux soient
diversifis dans un mÞme dp t. Ces pratiques sont valables pour la plupart des
exemples connus, qu’ils soient privs ou collectifs. Les ensembles mtalliques
dcouverts sont plus rarement composs de pices d’argenterie, plus prcieuses
donc plus vulnrables, que de bronzes ; les cas examins ici sont donc plus
reprsentatifs, peut-Þtre pas de la situation relle, mais de l’tat documentaire38.
Parce que les lments des dp ts sont en matriau similaire et sont trouvs
ensemble, ils sont apprhends comme une entit. Ni l’homognit ni la diversit
de la nature des objets ne sont des critres intrinsques ; concrtement, la
diversit domine dans tous les cas si bien qu’il est difficile de se prononcer,
parfois mÞme de dire si on a affaire un dp t domestique ou collectif : le
caractre disparate d’un dp t peut recouvrir une unit d’intention, les laraires
notamment en font foi39. Les offrandes se partagent selon des proportions
indtermines, outre les monnaies, entre objets destins des usages profanes en
utilisation secondaire, et objets fabriqus dessein. Ces derniers peuvent
37 Information prive.
38 Kaufmann-Heinimann 2007b, p. 19 – 20.
39 Exemple de M con, qu’on pense Þtre en partie un dp t de laraire, Mcon 2007, ReyVodoz 2006, p. 220 et sq.
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prsenter des caractristiques spcifiques d’o dcoule leur appartenance un
sanctuaire : les statuettes d’une hauteur suprieure 30 cm sont normalement
prvues pour une destination publique, non pour une exposition prive ; ainsi,
l’vidence, mÞme anpigraphe, le cheval de Neuvy aurait t associ une
collectivit. En revanche, le sujet des statuettes ne s’inscrit que trs partiellement
dans une thmatique religieuse, ce qui n’a rien pour tonner puisqu’un objet
n’est pas religieux en lui-mÞme : on peut placer des objets thme religieux dans
une pice de maison comme on pourrait poser un buste de Molire sur sa
chemine sans Þtre jamais all au th tre ; inversement, une offrande peut Þtre
de n’importe quelle origine, par exemple un bibelot auquel le dvot est attach,
ou qui a une porte symbolique qui n’est pas perceptible par tous. Il convient de
s’en tenir au principe : « lorsque du mobilier non spcifique est associ
directement des objets dont la vocation cultuelle est sre on peut postuler une
vocation similaire l’ensemble »40. Si sa destination religieuse n’tait explicite,
la situle de Cobannus serait considre comme un ustensile de cuisine ; sans sa
localisation, la trompe de Neuvy aurait pu appara tre comme un accessoire
militaire, de mÞme que la patre anpigraphe de Champoulet si elle n’tait
juxtapose une patre inscrite. Le tronc de Cobannus est emblmatique : cet
outil fonction pratique ne porte pas d’inscription qui le dsigne comme objet
consacr, la diffrence de celui de Trves par exemple41 ; il tait surmont
d’une statuette, aujourd’hui disparue, trs probablement divine ; avait-il,
comme certains troncs, fait l’objet d’une conscration ? Le fait qu’il serve
rassembler des fonds destins au sanctuaire ou au dieu lui confre une vocation
cultuelle, mais n’en fait pas plus une offrande religieuse que les pots emplis de
monnaies qui l’accompagnaient42. Les dp ts de temples comprennent, en effet,
des lments qui relvent autant d’une intention votive que de l’appartenance
un « inventaire sacr » qui intgre les biens de valeur quelle que soit leur
destination43.
L’pigraphie peut apporter les critres les plus srs d’appartenance un
sanctuaire condition de l’utiliser avec discernement : un texte religieux isol ne
renvoie pas un temple (tableau 2). Il faut soit que plusieurs textes citent le
mÞme dieu, honor par des personnes diffrentes, sans lien parental, pour
liminer les oratoires privs (Cobannus) ; soit que plusieurs textes mentionnent
40 Rey-Vodoz 2006, p. 223.
41 Deniaux 2006, p. 291 – 294 ; cf. Trves un autel inscrit votif qui sert de tronc, Derks
2006, p. 245.
42 Bien qu’il soit plut t centr sur la Grce, le travail de Kaminski 1991 est fondamental.
Pour d’autres troncs relis des statuettes voir Kaufmann-Heinmann 1998, p. 168 – 180.
43 Baratte 1992, p. 114 – 116.
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plusieurs dieux (Champoulet)44 ; ou bien soit qu’une collectivit soit cite
(Neuvy), soit qu’un lment implique une organisation collective (la collecte) ;
enfin que le caractre cultuel de certains objets (la situle) soit exprim. L’analyse
des personnes impliques n’apporte pas d’information dcisive (tableau 2). Les
statuts civiques (prgrins et citoyens romains) des individus, qui, tous, dans nos
exemples, ont une onomastique entirement ou fortement celtique, et sont donc
tous d’origine locale, varient. Aucun prÞtre, aucune personne fonction
sacerdotale exprime n’intervient comme acteur ; seul un magistrat, L. Maccius
Aeternus, nonce son titre de duumvir sur une statue ddie Cobannus. Cette
prcision n’implique pas qu’il intervient titre officiel, mais, associe la taille
respectable de son offrande, elle confirme que le dp t concerne bien un
sanctuaire, probablement comme nous l’avons dit un « grand sanctuaire »45. Elle
engage aussi ne pas mpriser, pour la raison qu’il ne mentionnerait que des
prgrins, le dp t de Champoulet dont la composition et la nature sont
semblables ce qu’on sait du dp t de Cobannus.
Un dp t de sanctuaire n’est caractris ni par une chronologie brve ni par
une chronologie longue (tableau 1), critre dont on ne soulignera jamais assez le
caractre alatoire. Champoulet englobe des lments chronologiquement
homognes que leur style et leur pigraphie inscrivent dans une fourchette
plut t troite, moins d’un demi sicle (fin du IIe s.–dbut du IIIe s.) ; pour
autant, ils ne s’chelonnent pas ncessairement sur cette dure : ils peuvent dater
tous d’une courte priode l’intrieur de ce demi sicle, comme ils peuvent
avoir t fabriqus en dehors de ce crneau. L’ensemble de Cobannus, beaucoup
plus abondant, s’chelonne sur trois sicles au moins. Il faut revenir sur cette
question essentielle de datation, la plupart du temps excessivement simplifie :
parce qu’on leur assigne une intention de dissimulation matrielle ces dp ts
deviennent synonymes, par glissement, de l’ide de menace, donc d’urgence ; de
l, on passe, pour les Gaules au moins, aux troubles politiques et aux invasions,
et de l une datation. L’encha nement devient machinal46. lire les
publications, on a l’impression que tous les dp ts de Gaule ont t constitus
partir des premires turbulences sous Commode, et surtout l’occasion des
luttes entre Clodius Albinus et Septime Svre, partir du dbut du IIIe s.,
particulirement dans la seconde moiti, lors des invasions de 269 – 270. Ce lieu
commun ne doit pas Þtre accept. En premier lieu il faut dissocier trois tapes :
44 Sur la pluralit des dieux d’un sanctuaire et la signification de leur rassemblement, J.
Scheid, « Thorie et pratique de l’architecture romaine. La norme et l’exprimentation »,
tudes offertes P. Gros, Aix, 2005, p. 94 – 99.
45 Cf. n. 36.
46 L’crasante majorit, pour ne pas dire la totalit, des trsors dont les tudes sont cites en
bibliographie envisagent la question chronologique sous cet angle. Ex. Berthouville,
H.U. Nuber, « Zum Vergrabungszeitpunkt der Silberfunde von Hildesheim und
Berthouville », Bull. Mus. R. Art et Hist. 46, 1974, p. 23 – 29.
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les dates de fabrication des offrandes (y compris des objets rutiliss ou
imports)47 ; les dates des offrandes ; la date de l’enfouissement qui donne un
terminus ante quem. Seule la deuxime srie porte tmoignage d’une pratique
cultuelle. Associ la troisime, elle ouvre des perspectives sur la frquentation,
l’volution et la richesse des sanctuaires48 ; ainsi, le dp t du sanctuaire de
Cobannus a-t-il t constitu sur une trs longue dure : du cerf au Ier s., aux
monnaies du IVe s. la diffrence des trsors montaires, les « trsors » d’objets
rassemblent des lments qui ont t collects dans le cadre de groupes de
dvots, de n’importe quel ensemble, familial, de voisinage, ou autre, pendant des
dcennies, des sicles mÞme. Il est inutile de s’tonner de la diffrence de style,
de typologie, d’appartenance culturelle (dans nos exemples le celtique et le
romain) ; les objets ont t fabriqus des dates diverses, offerts ventuellement
(beaucoup) plus tard, utiliss, en ce qui concerne le matriel cultuel, sur une
chelle chronologique qui peut Þtre longue. Ils tmoignent de l’imbrication des
cultes, de leur coexistence, de leurs associations, de leur terreau socio-culturel. Il
est dangereux d’assigner une date valable un ensemble ; au mieux on peut
proposer une fourchette. En liant systmatiquement les dp ts des priodes de
crises, en les fixant au dbut du IIIe s., on dforme leur interprtation : trs
souvent, les dp ts de Champoulet et de Neuvy sont assimils ; certes, ils ont en
commun leur proximit gographique, mais c’est accessoire ; oublier une
diffrence fondamentale, leur cart chronologique, conduit l’chec de toute
comprhension de Neuvy, mlange d’lments compltement celtiques et
d’lments compltement romains qui n’a de sens que dans le cadre d’un
sanctuaire et de la longue dure. En prenant en compte le fonctionnement
courant d’un sanctuaire, on intgre une dimension temporelle, de permanence
et d’volution des cultes, des locaux religieux, des dvots, d’impratifs collectifs
qui se traduisent par la conservation d’objets. Alors, la nuance pertinente pour
dpartager un dp t priv d’un dp t de sanctuaire est la dure de constitution,
plus longue pour un sanctuaire que pour un groupe familial, la mmoire
collective et rituelle tant plus longue que la mmoire prive.
47 Sur les difficults d’tablir cette chronologie des offrandes, Kaufmann-Heinimann 1998,
p. 56 – 59 et 2007, p 29, n. 50.
48 Rey-Vodoz 2006, p. 236 pour la fonte et la revente des objets en mtal.
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Tableau 3 : Critres d’identification de dp ts d’objets en mtal comme dp ts de
sanctuaires
Exemples
Circonstances de
dcouverte, mode
de stockage
Inscriptions
Nature des
Grande
objets ; mode de taille de
financement
certains
objets
Neuvy-enSullias
Carnutes
cache amnage
cheval : curie
ddicante
2 curateurs
1 dieu
trompe : ddicant
(?)
financement
collectif pour le
cheval
utilisation
secondaire
cheval
(105 cm)
sanglier
(78 cm)
Mercure
(50 cm)
Champoulet ensemble constitu 3 ddicants
Senons
cache amnage ? 1 curateur
3 dieux,1 seul
qualificatif
1 lieu :
Dubnocaratiacum
Mercure :
financement
collectif
ex stipe
Cobannus
duens
tronc offrandes Cobannus 1
situle
(76 cm)
Cobannus 2
(52 cm)
inconnu
4 inscriptions
4 ddicants
1 seul dieu
Le principal enseignement de cette numration est qu’aucun critre ne permet
lui seul d’attribuer un dp t un sanctuaire. Si on fragmente les approches, la
possibilit d’existence d’un sanctuaire s’efface. Les informations doivent Þtre
recoupes : sans le cheval inscrit, les statuettes de Neuvy pourraient constituer
un dp t profane ; de mÞme pour le vase et l’anse de Champoulet, en l’absence
des objets ddicacs. L’histoire de l’ensemble de Cobannus est instructive : si les
diffrents lots ne sont pas mis en relation, on pourrait entretenir un doute sur la
nature et sur l’importance du dp t ; chaque lot concerne la religion, mais
pourrait provenir d’un oratoire. La vision globale est fondamentale.
*
Quelle contribution ces dp ts, une fois identifis, apportent-ils l’valuation
des biens des temples49 ? Si le volume tait le seul critre, le sanctuaire de
Berthouville, en Normandie, avec ses dizaines d’objets en argent (qui ne
49 Aubin 2007, p. 54 – 63 ; et Baratte 1996.
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reprsentent qu’une partie du lot) aurait la premire place, ce qui n’est gure
vraisemblable : la nature parcellaire des informations concernant les dp ts de
sanctuaires ne permet pas d’valuer la richesse globale de ceux-ci, dont ils ne
constituent qu’un volet ; ils attirent cependant l’attention sur des catgories de
biens difficilement perceptibles partir d’autres sources. La particularit des
dp ts de sanctuaires par rapport aux autres « trsors » est que les objets qui les
composent ont une double valeur, sacre et financire. F. Baratte a soulign trs
justement que, parmi les motivations qui incitent les desservants de sanctuaires
accumuler les biens, intervient l’association que font les fidles entre le prix de
ces ensembles et l’influence du dieu50 : si les dvots ont jug bon de se monter si
gnreux, c’est parce qu’ils sont satisfaits, donc les autres peuvent avoir la mÞme
confiance et la manifester de la mÞme faÅon51. Sans parler des espces
montaires, les objets, qu’ils restent en place ou qu’ils soient mis leur abri, ont
une valeur, qui est monnayable52. Les ensembles votifs et rituels peuvent Þtre
ngocis, en partie ou en totalit, sous leur forme originelle ou sous forme de
matire premire, aprs avoir t fondus ; le produit de la transaction tant alors
investi de leur caractre sacr, il est utilis au bnfice du dieu, pour amliorer le
sanctuaire, pour lui assurer des revenus ; ou le matriau peut Þtre rutilis pour
fabriquer, au profit du sanctuaire, d’autres statues, sur lesquelles le caractre
sacr est transfr ; ce cycle est susceptible d’expliquer la frquence de
l’association entre dp ts de bronziers et temples53. Il constitue une attestation
de la richesse des sanctuaires.
La double fonction, sacre et patrimoniale, des dp ts-trsors de sanctuaires
justifie la volont de prservation qui prside leur constitution54. La crainte
qu’on invoque le plus souvent, en s’tonnant alors qu’ils n’aient pas t rcuprs
des moments propices, peut-Þtre valable pour la plupart des trsors de
particuliers, ne l’est pas pour eux55. Le soin mis amnager le lieu de leur
enfouissement, ventuellement en prparer les lments, en dmembrant les
objets par exemple, caractrise une intention de conserver, de mettre de c t
avec minutie, mais ne s’accorde pas avec le secret et la prcipitation engendrs
par la peur. Il ne s’agit ni de dissimulation urgente ni de mise au rebut, mais de
stockage qui peut avoir des motivations varies, lies des pratiques cultuelles.
Si l’environnement se modifie, les pratiquants du culte se dplacent ; attirs
50 Baratte 1992, p. 111 et n. 1.
51 Sur cet aspect de la relation hommes-dieux dans la religion romaine, J. Scheid, Quand
faire, c’est croire. Les rites sacrificiels des Romains, Paris, 2005.
52 Rey-Vodoz 2006, p. 236 – 237.
53 Baratte 1992, p. 117 – 118. Rey-Vodoz 2006, p. 224 ; RE, VI, s.v. favissae Capitolinae,
Wissowa, 1909, col. 2054 ; voir http://www.bbk.ac.uk/hca/staff/haynes/favissae.htm.
54 Baratte 1993, p. 4 – 5.
55 Ainsi F. Planet, dans Vaise 1999, p. 175 – 176 : les trsors ont vocation Þtre rcuprs
par ceux qui les ont dissimuls.
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ailleurs par le dveloppement d’une agglomration, par le succs d’un axe
commercial, ils dlaissent le sanctuaire qui tombe en dshrence. Alors, les
objets cultuels sont rassembls et mis l’abri (ce pourrait Þtre le cas de
Champoulet). Inversement, la prennit d’un sanctuaire entra ne un encombrement, si bien qu’une partie des biens mobiliers doit Þtre stocke en scurit.
D’autant que, dans un sanctuaire ancien, la cible de la dvotion peut s’Þtre
dplace : des dieux nouvellement introduits clipsent les autres (ce pourrait Þtre
le cas de Cobannus par rapport la monte du christianisme), ou, dans un
sanctuaire polyvalent, des cultes traditionnels Þtre supplants (ce pourrait Þtre le
cas de Neuvy). Les objets sont enterrs avec respect ; il est inutile de s’interroger
sur la raison pour laquelle ils sont rangs soigneusement alors qu’ils seraient
« prims » ; offrandes ou instruments de culte, ils appartiennent toujours au
sanctuaire56.
Ces dp ts, et c’est ce qui justifierait ventuellement leur dsignation
comme « trsors » ( l’image des « trsors » des glises), rassemblent des lments
qui peuvent avoir t conservs dans les sanctuaires pendant des sicles,
Cobannus en fait foi. On ne peut pingler un dp t dans le temps : les objets
fabriqus pour Þtre offerts ou en usage secondaire sont devenus des offrandes
dans un dlai indtermin aprs leur confection. Chacun des dp ts que nous
avons examins prsente un cas de figure diffrent : Champoulet ramass sur
une priode assez brve, Cobannus s’chelonnant sur une dure longue, Neuvy
cas sans doute intermdiaire. Rests dans le sanctuaire pendant un temps
indfini, objets de culte et offrande, montaires ou non, ont t enfouis aprs un
intervalle ignor, dans des circonstances diverses. On ignore quelle proportion
de l’ensemble des biens des sanctuaires ils reprsentent, mais, s’il faut se garder
de les exploiter pour des valuations quantifies, ils tmoignent de la place
conomique et sociale des temples. Les objets cultuels et votifs prouvent la
vitalit des sanctuaires et rvlent, aussi bien que des couches archologiques
superposes, leur richesse, qui traduit leur popularit et leur impact. Il est trs
possible que plusieurs dp ts aient t attachs un sanctuaire. Leur emprise au
sol n’a pas toujours t trouve parce qu’on l’a rarement cherche ; situs sur le
territoire de la cit et non au chef-lieu, ce ne sont pas pour autant de petits
oratoires de domaines, frquents par des paysans, modestes, sans assise
financire et sans culture, comme on l’a affirm pour Champoulet o les objets
labors, reflets de la civilisation gallo-romaine, sont absolument similaires
ceux de Cobannus.
Certes, avec les dp ts de Neuvy, de Champoulet et de Cobannus, nous sommes
bien loin des sanctuaires clbres, au patrimoine considrable, du monde grco56 La question, pose dans O. Cavalier, Le trsor d’Apt : un ensemble de vaisselle mtallique
gallo-romaine, Avignon, 1988, p. 99 – 103, est inapproprie.
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romain57 ; peut-Þtre – encore cela resterait-il prouver – ne sommes-nous pas
tout fait dans le registre de Notre Dame d’AllenÅon ou de Berthouville58 ; il
faut cependant les considrer sous un angle identique, les interprter selon la
mÞme grille59. leur chelle, celle des cits, des provinces, les fidles font
individuellement ou collectivement les mÞmes dons, utilitaires, montaires, sans
doute aussi fonciers, ex-voto, que les sanctuaires accumulent, stockent, mettent
de c t de la mÞme faÅon. Plus modestes, non par le nombre d’objets mais par
leur matriau, exerÅant une attraction limite la population indigne, dans un
cadre rgional, ils ne sont pas mpriser pour autant : ils attestent, un niveau
autre que les lieux prestigieux voqus plus hauts, des pratiques cultuelles,
rituelles, patrimoniales semblables.
Bibliographie
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Baratte 1999 = F. Baratte, « La statuaire du trsor de Vaise », Vaise 1999, p. 80 – 117
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Gorget, J.-P. Guillaumet dir., Paris-Orlans-Bavay, 2007
Cits 1999 = Cits, Municipes, Colonies. Les processus de municipalisation en Gaule et en
Germanie sous le Haut Empire romain, M. Dondin-Payre, M.-Th. Raepsaet-Charlier
d., Paris, 1999
57 Baratte 1996.
58 Baratte 1981 et 1989.
59 Baratte 1992.
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Fellmann 2000 = R. Fellmann, « Une divinit gallo-romaine inconnue, son prcurseur
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Gricourt 1958 = J. Gricourt, « Les bustes de bronze de Lewarde (Nord) », Latomus 17,
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